lundi 23 juin 2014

Naissance d'une marathonienne


Si on m'avait dit il y a un an que je finirais mon premier marathon en cette fin juin, j'aurais demandé à mon interlocuteur ce qu'il avait bu. 
L'idée m'avait bien traversé la tête une ou deux fois mais je m'êtais empressée de penser à tous les sacrifices nécessaires et à la marche énorme entre les quelques kilomètres que je faisais de temps en temps avec difficulté et un marathon. Un marathon, la distance qui a tué le premier à l'avoir fait ! Je n'imaginais pas que ça puisse être à ma portée...

En juillet dernier, lors d'une soirée d'anniversaire, une discussion autour de quelques bières et verres de vodka commence à planter l'idée que la course à pied pourait être beaucoup plus passionnante que l'idée que je m'en faisais. Pour moi, la course, c'était ce que je faisais quand je ne pouvais pas pratiquer un "vrai" sport. 
Moins de deux mois plus tard, je revenais de New-York avec ma paire de VibramFiveFinger Bikila. Puis, de fil en aiguille, de kilomètre en kilomètres, de semaine en mois, je vais de plus en plus loin...
Plus je cours et plus j'aime ça. Et plus je cours et plus j'ai envie de tester jusqu'où je peux aller. Sur mon premier 10km en course, je retrouves tout ce que j'aime tant dans les compétition d'autres sports : cette espéce d'électricité dans l'air qui nait de l'anticipation et l'excitation de tous les participants. 

Après avoir couru pour la première fois en entrainement un semi-marathon, fin février, je me décide à m'inscrire pour le marathon du soleil de minuit. 
Au début, je n'en parle à personne parceque j'ai peur qu'on pense que je suis folle de me lancer comme ça sur un coup de tête. Pourtant, depuis que j'ai commencê à courir, j'ai appris des choses, j'ai parlé avec des coureurs, j'ai lu de la documentation, parcouru des forums et des récits de coureurs donc je sais qu'un marathon ça se prépare longtemps à l'avance et que normalement on n'y viens surtout pas avec si peu d'expérience. Enfin, si on veut le finir dans de bonnes conditions. 
J'en parle petit à petit autour de moi et voit bien qu'on me regarde un peu bizarement.
Oui mais voilà, je sens que je peux le faire, je ne suis pas sure de savoir comment ni pourquoi mais j'ai envie de me croire moi plutôt que tous ces gens malgré leur connaissance du sujet et malgré mon innexpérience totale. 
Au fil des semaines, je continue à m'entrainer mais je ne veux pas suivre un plan typique de préparation. Je veux continuer l'escalade, faire de la voltige en entrainement et en compétition, je veux manger normalement, et c'est ce que je fais. 

Parfois, je doutes. D'un côté, je suis sure que je peux le faire, mes trippes me dises que c'est tout à fait dans mes cordes. Mais d'un autre, j'entends ou je lis tellement de choses sur les difficultés pendant l'entrainement et pendant la course que ma tête me dit que je suis inconsciente. 

Dans les trois semaines qui précédent le marathon, je commence à moins forcer sur mes autres activités sportives et surtout à n'y prendre aucun risque. Je m'entraines pratiquement plus que sur route et cherche à m'habituer à mon "allure marathon"
D'après ce que j'ai pu lire ici et là et en fonction de mon ressenti sur mes sorties longues, je décide de m'essayer sur un marathon en 3h40. Là encore, je me fais discrète et quand on me demande mon objectif, je réponds généralement par "moins de 4h et mieux si je peux".

La veille du marathon arrive et enfin, je suis à Tromsø. Je suis avec un groupe de coureur et nous trouvons d'autres français au restaurant. Tous parlent de leurs expériences sur les marathon (certains en ont beaucoup à leur actif). Je me sens à la fois un peu intimidée et rassurée par tous ces récits et je me laisse porter par le fait qu'on est tous là pour courir. 


Le jour J arrive mais l'heure inhabituelle de la course rends innutiles tous les conseils habituels sur les horaires de someil ou de nutrition. Nous récupérons nos dossard le matin de la course, s'en suit un peu de shopping puis pastafabriken (notre cantine attitrée depuis la veille au soir).


Il a plu toute la matinée et, rentrée à l'hôtel, je ne sais toujours pas quelle tenue pourra être confortable pour courir. Je décide donc de faire une sieste avant de manger un petit gouter (madeleines et barres de graines).
Heureusement, en me reveillant, je vois que la pluie s'est arrêté et je me décides pour la modularité avec des une tenue qui pourra varier facilement pendant la course et une casquette en cas de récidive des averses. 
Comme il n'est que 17h, je ne veux pas tourner en rond à me stresser et je vais me dégourdir les jambes en allant voir la course des enfants. 

Le parcours est à leur taille (le tour d'un paté de maison) mais l'envie est là. Certains sont tellement petits qu'ils font le parcours sur le dos de leur parents avant de finir les derniers mètres à pieds. 




L'ambiance est joyeuse et décontractée tout en restant une ambiance de compétition. Je rentres à l'hôtel calme ét motivée. 
Je prends mon temps pour me préparer puisque nous acons rendez-vous dans le hall qu'à 20h. 
Je n'enfile pas tout ce qui doit me tenir chaud tant que je suis à l'interieur et le reste du groupe me regarde un peu horrifiés par ma tenue légère avant que je ne leur montre mes manches, mes gants et mon buff. 

Nous nous dirigeons tranquillement vers le départ, zone plutôt tranquille puisque les gens sont plus attroupés vers l'arrivée où des participants du 10km sont encore en train de finir. 


Béatrice, qui a couru le 10km, nous rejoint et nous avons largement le temps de discuter et prendre quelques photos pour imortaliser notre petit groupe. 



La différence entre l'ambiance entourant ce marathon  et celle que j'ai connu il y a un mois à Millau est saisissante. Moins de 800 inscrits, pas de sas de départ, pas d'interminable attente, un petit échauffement en musique est mené par les coach de la salle de sport locale, personne ne se bouscule pour être plus en avant. 
À moins d'une minute du départ tout le mode commence naturellement à prendre sa place comme dans un ballet bien rodé. Le commentateur au micro compte à rebours les 10 secondes et le départ est donné. 

(Photo :Truls Melbye Tiller)

Pour une fois, le rythme n'est ni effreiné ni à une lenteur d'escargot. Les rues sont larges est l'effectif réduit donc chacun peut trouver tout de suite suite sa place et sa vitesse. 
Je pars en discutant avec Arnaud et nous enchainons les virages qui nous mènent durant 2km, dans les rues et sur les pontonts de la ville, jusqu'au pont qui relie l'ile au continent. 
Ce pont nous avait inquiété car sur le plan on voyait que le parcours le franchissait au 40ème kilomètre. C'était avant que Bernard et Alain comprennent que c'était parce qu'ici, le kilométrage est en compte à rebours.  Du dénivlé en début de parcours et au semi, c'est quant même beaucoup plus gérable. 

Arnaud veut tenir un rythme un peu plus tranquille pour la montée me laisse filer et je continue toute seule sur le rythme que je m'étais fixé. 



Une fois le pont franchis, nous longeons la mer dans une zone résidentielle. 


Le public n'est jamais dense mais il y a régulièrement des petits groupes au bord de la route ou à leur fenêtre qui nous encouragent de leurs "Heia". Même les chevaux dans leur pré nous regardent passer l'air amusés. 


Au bout de 10km, demi-tour autours d'un plot et nous reprenons le même itinéraire. Je croises mes camarades de course un petit peu plus loin et les encourage. Un petit vent de face rends le trajet un peu moins facile, surtout quand il cherche à m'enlever ma casquette. 

Je suis surprise par Alain qui arrive à mon niveau et reste avec moi. Nous discutons un peu et continuons à mon rythme. 
Arrivés au niveau du pont, nous devons effectuer encore une boucle de quelques patés de maison assez destabilisante quand on ne s'y attends pas ("Mais pourquoi on a dépassé le pont sans monter dessus ? Pourtant, il faut bien qu'on ailles de l'autre côté maintenant !").
Dernière grosse montée et on attaque la descente vers le centre ville. 


Alain cours vite et je le laisse filer ("moins de 5' au kilomètre ! Il est fou !"). En bas du pont, nous saluons quelques supporters français et nous arrivons au semi-marathon. 
Tout au long des kilomètres, je sais que j'étais un peu en avance sur mon temps mais de façon assez raisonable pour que ça ne m'ai pas fait forcer. Bilan au semi : je suis dans les temps, pas de douleur, pas de fatigue, j'ai mangé et bu peu mais régulièrement. Bref, j'attaque sereinement la deuxième moitié de la course ("pourvus que je ne trompes pas et que je ne me prennes pas le mur !")

De nouveau un passage par le centre ville avant de nous diriger, ce coup ci, vers l'aéroport. 

(Photo : John Arvin Jensen)

Petit passage dans une zone résidentielle avant de longer la côte sur une piste cyclable a côté de la route. Alain est à mes côté la plupart du temps. Parfois il fait de petite échapées avant de ralentir à nouveau. Il me prévient qu'il risque de lacher d'un seul coup après le 30ème mais que c'est habituel pour lui. 
Nous discutons tranquillement quand une voiture à faible allure sur la route juste derière nous klaxonne. Croyant à des encouragements, nous faisons un petit signe en regardant la voiture. Mais au même moment juste derrière nous, un cycliste arrive à vive allure en criant "yep yep yep" le temps de comprendre ce qui se passait, le coureur de tête du semi-marathon venait de nous doubler. 



Nous devons ensuite du gérer les dépassements de coureurs encore frais et surtout ne visant pas du tout les même allures que nous. L'impression d'aller lentement est forte et la tentation d'accelérer le rythme est permanente mais nous tennons bon. 
Arrivés à l'aéroport, 10km restants ("c'est pas plus long qu'un entrainement"), Alain m'annonce qu'il faut que je partes toute seule car il ne tiendra plus le rythme. Vu son expérience et le nombre de marathon qu'il vient d'enchainer en quelques mois, je ne le contredit pas et continue. 

C'est maintenant sur la route que nous courons et le goudron n'est pas régulier. J'ai une ampoule qui est en train de se former sous mon index de pied gauche. Ça ne fait pas vraiment mal mais ça me contrarie un peu. 
Je continue de laisser passer les coureurs de semi et dépasser des coureurs de marathon fatigués. 
Au 35ème kilomètre, je commence à avoir les muscles fessiers douloureux ("punaise, il aurait fallu que je fasses plus d'entrainement en côte").
Les "vaguelettes" que forment la route et qui étaient passées sans s'en rendre compte à l'aller n'en finissent plus de monter et descendre ("pourtant sur la description du parcours, cette partie était décrite comme 'flat'...").
C'est dur mais je m'accroche pour ne pas ralentir. Je compare ce qui me reste à parcourir aux portions de mes distances d'entrainement ("c'est comme revenir de Ravel", "c'est comme aller à la route et revenir", "c'est comme si tu étais aux Charles"....). De temps en temps je me rappelle que, même si ça n'en donne pas l'impression, il est presque minuit et que je suis en train de courir un marathon sous le soleil de minuit (moins 10, moins 5, puis minuit pile). Et, enfin, on approche enfin du centre ville de Tromsø.
Je commence à accélerer tranquillement le rythme en sachant que je suis dans mon objectif et que le reste, c'est du bonus. 
Et là, le long des barrière, les habitants et accompagnateurs se densifient et le son de leurs encouragements me fait pousser des ailes. Je me dit qu'avec l'énergie qu'ils déploient pour nous soutenir, je dois de me donner à fond. 
Dès que la dernière descente commence, je me mets à courir de plus en plus vite, aussi vite que ce que mes jambes veulent bien faire en pilotage automatique. Je suis tellement émue que je ne sais même plus comment contrôler tout ça.

Je passe la ligne d'arrivée, tente de me rappeler comment on fait pour respirer sans courir et comment on fait pour marcher. Des bénévoles sont là, tout sourire, pour nous accueillir et nous remettre nos médailles. Je me rappelle que je dois arreter mon chrono et, même si je sais à quoi il va ressembler depuis plusieurs kilomètres, je reste ébahie par le temps que j'y vois. 
Je m'approche d'une autre bénévole qui pose sur mes êpaules une couverture de survie et je me dirige, encore un peu sous le choc de ce que je viens de finir, vers le ravitaillement. 
Je ne sais pas trop ce que je vois mais je n'ai envie que d'un peu d'eau.
Il fait froid et je resserre la couverture autour de moi. 

Je retourne vers l'arrivée en espérant voir Alain. Je prends quelques photos et attends quelques minutes. Ne le voyant pas arriver, je décide de rentrer car je commence à avoir vraiment froid. 



Je le retrouves finalement près du ravitaillement en train de discuter avec un autre français.


Quelques minutes de discussion, une photo pour moi et nous nous dirigeons vers l'hôtel. 


Je sens la fatigue qui me rattrape à grand pas. Il fait froid et, même si l'hôtel est tout proche, en y arrivant, je claque des dents. 
Ce n'est qu'après 1/2 heure sous une douche brulante que je commence à ne plus avoir l'impression d'être glacée jusqu'à l'os. 
Je prends alors le temps d'aller sur le site internet de la course pour voir les résultats officiels. 
Je n'en revient toujours pas 3h38'24''


L'excitation et l'adrénaline de la course sont tellement intenses que je n'arrive pas à m'endormir avant 3h30 du matin (après avoir jetté un dernier coup d'oeil par la fenêtre pour y trouver une luminosité inchangée). 

Ce n'est que le lendemain matin que je réalise vraiment que je suis en plus 22ème femme et surtout 4ème de ma catégorie (à seulement 7secondes de la précédente). 

Je suis vraiment fière de l'avoir fait et d'avoir gérer la course comme je l'avait prévu et surtout d'avoir maintenu le rythme que je m'étais fixé tout au long de la course. Bref j'ai rarement été aussi fière de moi. En neuf mois, je me suis transformée en marathonienne :-)




Location:Bankgata,Tromso,Norvège

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